À la fin du mois de juin 1944, la Résistance française va réaliser un coup de maître : dévaliser un train blindé de la Banque de France en Dordogne. Ils sont 150 résistants à dévaliser l'argent de l'État français du Maréchal Pétain : près de 2,2 milliards de francs, soit environ 450 millions d’euros d'aujourd'hui. C'est le casse du siècle, mais également le plus grand casse de toute l'histoire !
À la fin du juin 1944, les Alliés ont débarqué en Normandie et les rangs de la Résistance se gonflent un peu partout sur le territoire français : les réseaux ont besoin en urgence d’argent frais pour s’équiper et organiser des opérations contre l’occupant allemand. Il leur faut également rembourser leurs dettes auprès des commerçants ou paysans chez qui ils s’approvisionnaient en échange de bons de réquisition, destinés à être remboursés. Des remboursements parfois vieux de plusieurs années !
Sentant le vent tourner, le préfet par intérim de la Dordogne, Jean André Eugène Callard, pourtant vichyste convaincu, va décider d’aider la Résistance locale en divulguant un transfert massif d’argent, par train, entre Périgueux et Bordeaux. C'est la Banque de France qui est en charge de ce transfert, qui dépasserait le milliard de francs. Callard est au courant du trajet et de l'opération : on lui a demandé de fournir l'escorte !
Le 26 juin 1944, 150 résistants qui appartiennent à l'Armée secrète et à l'Organisation de résistance de l'armée se positionnent en gare de Neuvic, arrêt de l'omnibus de voyageurs 1709, en provenance de Périgueux et à destination de Bordeaux. Il est alors 19h30 et les résistants constatent que seuls quatre inspecteurs de police sont présents dans le fourgon banalisé de tête qui contient les billets. Avec l'aide des cheminots, la Résistance s'empare du butin, aidée par la passivité des quatre policiers, qui laissent faire.
Le wagon est détaché par les cheminots et manœuvré vers une voie de débord : 150 sacs de jutes, remplis de billets de banque, sont transférés dans les deux camions de la Résistance. L'ensemble pèse plus de 4 tonnes ! Le butin est édifiant : 2 280 000 000 francs, soit l'équivalent de plus de 450 millions d'euros en 2021 ! Et tout cela sans violence : aucun coup de feu n'a été tiré pendant toute l'opération !
Pourtant, la fin du casse apparaît plus compliquée : l'un des deux camions tombe en panne sur la route qui mène au camp de Saint-Avit-de-Vialard. Il faut le sortir de là et après plusieurs heures, l'argent est finalement transféré avec succès au lieu-dit Durestal. C'est Maxime Roux, considéré comme le préfet du maquis, qui va coordonner la dispersion de l'argent : une partie permet de rembourser les dettes, et de financer des groupes de résistants locaux, mais aussi des groupes et opérations en Limousin, ainsi que dans les régions de Bordeaux et de Lyon.
Mais qu'est devenu le reste de l'argent ? Contrairement à ce qu'on peut penser, l’intégralité n’a pas uniquement servi à la Résistance : une grande partie du magot va prendre la direction de la capitale. Ainsi, la première semaine de septembre 1944, les principaux partis politiques se réunissent au château de Fleurac et décident de se partager la grande partie du butin de Neuvic. Pour les résistants de la première heure, la captation par les politiques de cet argent est une honte, contraire aux principes de la Résistance.
Par la suite, des enquêtes françaises seront diligentées sur place et à Paris. Mais rien ne probant ne sera trouvé. La Banque de France récupérera après la fin de la guerre une partie infime de l'argent perdu. Qui sera considéré comme une perte due ... aux combats !
Certaines légendes vont courir dans l'après-guerre : non, l'argent volé par la Résistance n'était pas celui de la Wehrmacht, l'armée allemande, ni celui du Militärverwaltung à Frankreich, l'administration militaire allemande en France. Mais bien celui de la Banque de France. De plus, malgré une rumeur tenace, aucun lingot d’or n'était à bord du train ! Juste une montagne de billets de banque ! Et non, l'armée allemande n'a jamais menée de représailles à ce casse : si des opérations vont avoir lieu en forêt de la Double, elles seront liées à des faits de résistance.