Au début de 1943, des organisations clandestines de résistance entreprennent de créer des «maquis», où se rassemblent, en plus des réfractaires au S.T.O., des résistants en fuite et recherchés. Ces jeunes gens occupent une zone de forêt où l’on peut se cacher avec, aux alentours, pour le ravitaillement, des amis dans la population.
Dans le Var, c'est le cas du maquis des Maures installé dans les forêts du massif portant le même nom. Émile Mercanti un jeune coiffeur niçois, est l'un d'eux. Voici ce qu'il rapporte sur ce qu'il vivait il y a 77 ans de cela.
"Au mois de septembre 1943, je pars en mission à Toulon en rapport avec l’éventuel passage au maquis d’une cinquantaine de Serbes. En revenant, en gare de Gonfaron, un camarade me signale qu’il y a dans les environs des soldats italiens armés qui se cachent. Je me mets à leur recherche. Une fermière sur le bord de la route me dit qu’elle en a vu traverser le bois de bonne heure. Je les cherche longtemps dans la forêt, et comme je m’impatiente, je profère quelques blasphèmes en italien.
Aussitôt les branches bougent et quelqu’un me fait signe et me demande si je suis un soldat italien.
Pour le rassurer je lui dis « Oui » et je le suis à travers les broussailles.
Après avoir traversé la rivière j’arrive parmi une trentaine de soldats et d’un jeune sergent-chef. ils sont bien armés : fusils-mitrailleurs, mousquetons, revolvers, munitions et… ravitaillement.
Je leur dis qui je suis, ils sont très surpris. Il me faut des heures de palabres pour les convaincre, mais finalement ils me suivent à travers la montagne. J’ai des difficultés à m’orienter car je ne veux pas longer la rivière, craignant la présence de postes allemands. En réalité, je me trompe complètement de route. Après dix heures de marche épuisante où je suis tombé dans un ravin plein de buissons épineux qui déchirent mes vêtements, nous arrivons en face de Gonfaron, mais là tous se « dégonflent ». Ils sont fourbus, découragés. Ils ne veulent plus rien savoir de la guerre, et n’ont qu’une pensée : rentrer chez eux. Ils m’abandonnent leurs armes. Les pauvres types me quittent, j’ai leur amitié, quelques-uns ont les larmes aux yeux.
Je peux prévenir mes camarades de venir chercher les armes. Le lendemain, nous arrivons au camp avec notre précieux chargement. Surprise : il y a déjà là une centaine de soldats italiens !
Ainsi, grâce à la capitulation de l’Italie, et à notre esprit d’initiative, nous possédons des armes pour 120 hommes, une quinzaine de mulets et cinq superbes chevaux, des munitions en quantité et du ravitaillement.
Nous sommes en relation avec d’autres camps de réfractaires au S.T.O. Nous parcourons le massif des Maures, sur nos chevaux, à la recherche des soldats égarés."